Malgré les progrès technologiques et agricoles, la faim reste un fléau persistant au XXIᵉ siècle. Les dernières données sont alarmantes : en 2024, plus de 295 millions de personnes dans 53 pays ont souffert de faim aiguë, soit une hausse de +13,7 millions par rapport à 2023. Ce constat fait écho à l’avertissement du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, qui fustige “un monde dangereusement dévoyé” où « la faim sévit encore au XXIᵉ siècle ». Pour Guterres, c’est plus qu’un échec politique : c’est « un échec de l’humanité ».

Cette crise alimentaire mondiale s’aggrave sous le poids de multiples chocs. Les conflits (Soudan, Yémen, Syrie, bande de Gaza, Ukraine, etc.) restent le premier facteur d’insécurité alimentaire, touchant environ 140 millions de personnes dans 20 pays. Par exemple, les crises en cours au Soudan et au Soudan du Sud ont provoqué des famines avérées, et la guerre en Ukraine perturbe encore les approvisionnements en céréales, faisant monter les prix du blé et du carburant. À cela s’ajoutent les chocs économiques : l’inflation galopante et la dévaluation des monnaies affectent durement les pays importateurs de nourriture, aggravant la faim dans au moins 15 pays pour près de 59,4 millions de personnes – soit près du double des niveaux d’avant la pandémie.

Les catastrophes climatiques pèsent également sur la sécurité alimentaire. Les sécheresses extrêmes, exacerbées par El Niño, et les inondations ont déjà poussé 18 pays dans des situations de crise alimentaire, affectant plus de 96 millions de personnes dans le monde. En Afrique australe ou en Asie du Sud, des récoltes entières ont été détruites, fragilisant les moyens de subsistance de millions de cultivateurs. Paradoxalement, la pandémie de COVID-19 n’a pas seulement mis à l’arrêt les économies : elle a aussi ralenti la distribution de l’aide alimentaire internationale et creusé l’insécurité. Aujourd’hui, la malnutrition infantile atteint des niveaux catastrophiques : près de 38 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë dans 26 zones de crise. Et près de 95 millions de personnes déplacées (réfugiés ou déplacés internes) se trouvent dans des pays frappés par ces crises alimentaires, selon le dernier rapport mondial.

Face à ce constat, l’ONU rappelle que la lutte contre la faim passe par un soutien urgent et massif à l’agriculture durable. L’Objectif de développement durable n°2 (ODD2) des Nations Unies vise en effet à éradiquer la faim d’ici 2030 « en garantissant l’accès à une alimentation suffisante pour tous » et en mettant en place « des systèmes de production alimentaire et des pratiques agricoles durables et résilientes ». Autrement dit, il faut investir dans des filières agricoles qui augmentent les rendements sans épuiser les sols, qui résistent aux aléas climatiques (semences résistantes à la sécheresse, agroforesterie, irrigation efficiente, etc.), et qui favorisent les petits producteurs. Les organisations internationales insistent sur l’importance de soutenir les agriculteurs locaux, d’améliorer les réseaux logistiques, et de financer la transition vers une agriculture respectueuse de l’environnement afin d’augmenter la production tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Le rôle clé des sportifs engagés

Les athlètes, de par leur notoriété et leur influence, peuvent jouer un rôle de premier plan dans cette lutte. Ils incarnent des valeurs de solidarité et d’effort collectif, et utilisent souvent leur image pour des causes sociales. Plusieurs d’entre eux ont compris que leur carrière et leur réseau leur permettent de promouvoir la sécurité alimentaire de manière très concrète. En investissant dans des projets agricoles durables, ils lient leur « champ d’action » à celui de la planète.

Par exemple, l’attaquant sénégalais Sadio Mané – star du football mondial – a fait part de son ambition d’investir dans l’agro-industrie de son pays. Lors d’une rencontre avec le Premier ministre du Sénégal en juin 2024, Mané a présenté une série de projets pour « promouvoir le sport et dynamiser l’économie locale par des initiatives dans l’agro-industrie ». Le Premier ministre a salué son engagement : « J’ai reçu Sadio Mané venu me parler de ses projets… mais surtout de ses ambitions d’investir dans l’agro-industrie ». Son engagement dépasse les simples dons financiers : il cherche des solutions durables pour sa communauté et « incarne l’idée que le succès personnel peut et doit être utilisé pour aider les autres ».

De manière similaire, Max Alain Gradel, légende du football ivoirien, collabore avec la FAO pour promouvoir la pisciculture et la filière « économie bleue » en Côte d’Ivoire. Ce double champion d’Afrique s’est engagé publiquement à « redonner » à son pays en s’impliquant « dans un secteur vital : le secteur agroalimentaire en général, et en particulier la pisciculture ». Gradel utilise son image pour sensibiliser les jeunes, les femmes et les décideurs à l’importance d’investir dans la production locale de poisson – une source prometteuse d’emplois et de revenus.

Aux États-Unis également, de nombreux sportifs investissent dans l’agriculture. Plusieurs anciens joueurs de NFL et NBA sont devenus agriculteurs ou investisseurs agricoles. Par exemple, l’ancien quarterback Jason Brown a quitté le football professionnel pour acheter une ferme de 1 000 acres en Caroline du Nord, baptisée First Fruits Farm. Sa mission : nourrir les démunis. À ce jour, sa ferme a produit et donné plus de 1,5 million de livres de nourriture (myrtilles, patates douces, etc.) aux banques alimentaires et aux soupes populaires. Il déclare : « Je travaille plus dur maintenant que quand je jouais au football… mais c’est le travail le plus gratifiant de ma vie ».

D’autres exemples le confirment : le joueur de NFL Trent Brown exploite aujourd’hui la ferme familiale de son grand-père pour élever du bétail, et les jumeaux Maurkice et Mike Pouncey, tous deux anciens linemen de NFL, ont investi dans un ranch d’élevage de chevaux. L’ex-star du basket Blake Griffin s’est quant à lui associé à 19 autres athlètes pour créer un fonds de 5 millions de dollars destiné à acquérir des terres agricoles en Iowa. Toutes ces initiatives montrent qu’un nombre croissant d’athlètes voient dans l’agriculture durable un prolongement naturel de leur engagement : un moyen de « jouer collectif » pour nourrir les populations.

Sport et agriculture : synergies et perspectives

Le sport peut également servir de plateforme de sensibilisation. En 2020, pendant le confinement dû au Covid-19, plusieurs sportifs français ont brièvement troqué leur maillot pour les champs. Par exemple, on évoquait alors que le footballeur Kylian Mbappé aiderait un maraîcher près de Bondy, tandis que Dimitri Payet donnait un coup de main en maraîchage bio-intensif près de Marseille. À travers ces gestes symboliques, l’objectif était triple : apporter de la main-d’œuvre agricole, valoriser les métiers de la terre grâce à l’image des sportifs et promouvoir la consommation de fruits et légumes pour la santé des athlètes. Cette opération « Sportifs aux champs » a mis en lumière que les stars du ballon rond ou du basket peuvent influencer positivement l’opinion publique sur les enjeux agricoles et nutritionnels.

Plus généralement, les organisations sportives et les athlètes ont un potentiel unique pour mobiliser des fonds et des partenariats en faveur de l’agroécologie. Les grands événements sportifs pourraient par exemple intégrer des initiatives agricoles durables (gestion écologique des terrains, soutien à l’agriculture locale). Des fondations sportives pourraient investir dans la formation d’agriculteurs, dans la distribution de semences résistantes ou dans des coopératives rurales. En faisant dialoguer la « game » et les « champs », le monde du sport peut soutenir l’ODD 2 et contribuer concrètement aux programmes de sécurité alimentaire.

Conclusion : semons l’engagement pour un avenir sans faim

La faim dans le monde est l’un des défis majeurs de notre époque. Les crises qui s’enchaînent rendent son éradication urgente mais aussi difficile. Pourtant, des solutions existent : la transition vers une agriculture durable est au cœur de l’objectif « Faim zéro » des Nations unies. Les sportifs d’aujourd’hui peuvent devenir des acteurs du changement en investissant dans cette voie. Ils ont les moyens de lever des capitaux, d’influencer les mentalités et d’incarner l’espoir pour des communautés vulnérables.

Agissons ensemble : entreprises, gouvernements, citoyens et athlètes, notre effort commun est indispensable. En soutenant des projets agricoles innovants, en consommant local et en défendant l’accès à la terre pour tous, chaque sportif peut « planter une graine » pour réduire la faim. Que l’exemple de Sadio Mané, Max Gradel, Jason Brown et tant d’autres inspire d’autres champions – du sport ou de la vie civile – à semer idées et ressources dans nos champs. Car nourrir les peuples n’est pas seulement un devoir moral, c’est un héritage à bâtir pour les générations futures. Aujourd’hui, chaque talent compte : mettons-le au service de la vie et de l’abondance agricole.

Sources : Rapports FAO-WFP (2024-2025) sur les crises alimentaires ; FAO–UN (2025) Communiqué sur l’insécurité alimentaire ; ONU ODD2 (2024) ; articles The Guardian (2024) et FAO (2025) sur l’engagement des sportifs en agriculture.